C’était de toutes évidences l’heure du grand choix et chacun devait désormais faire le sien, chacun devait choisir de partir ou non. Pouvait-on vraiment avoir confiance en un Nephilim ? Plus je tournais et retournais cette question en mon esprit, moins je la comprenais, autant se l’avouer, j’étais totalement perdu et je ne savais pas du tout quoi faire. Pourtant fidèle à moi-même je souriais, pour une vieille promesse faite sur une tombe, Dieu que ce n’était pas le moment de se montrer nostalgique, il y avait à présent un choix à faire, il fallait partir avec Songes ou partir avec Harahel. Lidrya avait marqué son choix en parlant du Clan des Ephémères, et la question avait claqué dans mon esprit comme un coup de fouet, la même question que j’avais posé à Lyra, « et maintenant ? » Maintenant je ne savais pas quoi faire du tout, j’étais véritablement, je pourrais très bien me reposer sur Lyra pour faire ce choix, mais cette dernière me semble proche de Harahel et je ne doute pas que son choix soit déjà fais. Mon sourire ne s’efface pas, mais cette fois il sonne vraiment faux, je suis en pleine réflexion, d’un côté la promesse d’une continuation, de l’autre la possibilité de retrouver ma vie, mon passé et tout ce qui avait été autrefois ma vie. Mais qu’avait-elle été finalement ? J’avais fais des choix, tous inlassablement mauvais et si j’avais finalement la chance de reconstruire une nouvelle vie fort de cette expérience ?
Je regarde les gens avec qui j’avais passé un peu de temps en Pachad, tous semblent perdus, Lyra quand à elle s’est rapprochée de Songes et elle ne semble pas décidé à revenir vers son Seirim malgré cette rupture soudaine que le Lilioth avait provoqué en se reculant avec une humaine et le sieur Voldi. Je respire, je soupire et d’un petit pas je prouve ma décision, je décide de suivre Harahel, pas parce que je ne crois pas l’autre Lilioth digne de confiance, mais parce que c’est un choix que j’établis, celui de la liberté, retrouver mon passé, renouer avec ce que j’ai toujours connu avant. Je fais ce choix à contre-coeur car je ne sais pas ce qui nous attends, je ne sais pas ce qui attends les autres et j’ai peur. Un humain me regarde et tentes un sourire, comme pour me rappeler que normalement c’est moi l’humain qui me sourit. Je chasse mes pensées en secouant doucement ma tête, le choix devait être fais maintenant et je l’avais fais, il ne restait qu’une seule façon de le vivre à présent, il me fallait le vivre pleinement. Je repris de mon assurance et mon sourire se fit plus honnête à nouveau, pas moqueur ou provocateur pour ceux qui avaient rejoints Songes, c’était un sourire sympathique, du genre de sourires nostalgiques qui signifient que l’on ne se reverra pas avant longtemps. Etait-ce le bon choix ? Je n’en savais absolument rien, c’était mon choix, partir loin, rentrer en Australie, vivre ma vie et oublier cette expérience, mettre de la distance entre ce qui était arrivé et moi.
Pourtant rien n’est jamais simple quand il s’agit de vies humaines, rien n’est simple quand il faut regarder les restes d’un champ de bataille ou plutôt d’une vaste extermination. Mes yeux se posent sur les corps autour de moi, mon sourire c’est doucement éteints sans que je ne m’en rende compte, il y a des Nephilim allongés à côté d’humains, le spectacle est douloureux et cruel, les deux espèces avaient soufferts et étaient mortes ensemble, tués apparemment par l’arrogance d’un seul et achevé par la violence d’autres. J’avais déjà vu la mort de près, mais jamais de cette façon cruelle, l’île était pourtant si radieuse et belle, et la joie de vivre l’habitait même si les choses n’étaient pas simples pour eux. Les autres humains semblaient ne pas voir ce spectacle, ils voyaient surement la liberté qui approchait, où ils restaient volontairement aveugles aux morts pour ne pas douter de leur choix. J’aurais peut-être ou surement dû faire la même chose qu’eux, mettre des oeillères, me concentrer sur ma liberté, tout oublier et ne voir que mon choix, ne voir que la liberté qui se profilait.
Lyra avait finalement choisis de revenir vers Harahel, et je ne marchais pas loin d’elle, je souriais à chaque fois qu’elle regardait comme si de rien était, je la leurrais de mon bonheur car mon coeur n’était pas vraiment à sourire, il était annihilé de ce que mes yeux et se serrait un peu plus à chaque corps. Le moment décisif de ma décision fut je crois lorsque le Lilioth nous rassembla pour nous demander où nous voulions aller vivre. Mon choix était tout fais, et bien sûr je demandais à rentrer chez moi en Australie, revoir ma maison, revoir celle qui m’avait marqué et changé à jamais. La revoir était un euphémisme, car elle ne m’avait pas changé dans la vie. Le Lilioth acceptait les doléances de tous et chacun, prévenant après avoir distribué l’argent et les bijoux qu’il faudrait toujours cacher l’existence de cette île sous peine de connaître la souffrance et la violence des Elohim. Nous le regardâmes tous sortir de la tente, avant de tous nous regarder mutuellement, chacun se demandant surement ce que l’autre pensait, et un silence lourd de sens s’installa, le massacre de l’île était dans toutes les mémoires. Il y avait dans la tête des Nephilim et mon regard croisa celui de la demoiselle que j’avais côtoyé tout ce temps en Pachad, celle avec qui j’avais fais un accord qu’elle m’avait signalé ne plus avoir effet. Je me levais finalement, serrant ma main sur le sac qui m’avait été donné et soupirant en effaçant mon sourire, je venais de faire un choix :
- Vous m’avez vu souriant et heureux en Pachad. Aujourd’hui...maintenant, je m’offre à vous tel que je suis vraiment, je ne souris pas et comme chacun d’entre vous j’ai peur. J’ai peur de demain, j’ai peur de ce qui va arriver, j’ai peur de souffrir et j’ai peur de mourir. Avant d’être arraché à ma vie pour être emmené ici, j’avais une existence tout comme chacun d’entre vous. Et comme chacun d’entre vous on m’y a arraché de force. Aujourd’hui, nous avons choisis la liberté parce que nous pouvons le faire, mais j’aimerais que vous preniez le temps de réfléchir à votre choix. Je ne vous demande pas de revenir dessus, je n’en ai pas le droit. Je vous demande d’y réfléchir pour être sûr de vous. Violences, viols et humiliations étaient, sont et seront surement toujours un lot quotidien au près des Nephilim, mais ont-ils une seule fois tués autant d’humains que les Elohim l’ont fais ? Oui c’est vrai, nous pouvons finalement rentrer chez nous. Des centaines d’humains ont été massacrées, mais quelle importance, nous on rentre à la maison. Les Anges vont pratiquer un autre massacre avec les Nephilim, mais nous on sera bien à la maison. D’autres humains vont surement encore mourir, mais ce ne sera pas nous puisqu’on sera à la maison. Mes choix n’ont que rarement été les bons, mais pour la première fois je suis vraiment sûr de moi, car pour la première fois il m’est offert de prendre part à quelque chose de plus grand que ma seule existence. Vous pouvez partir l’esprit tranquille, vous avez tous, nous avons tous, mérité de rentrer et de vivre une vie de rêve après ce que nous avons connue, nous méritons tous de rentrer à la maison et de vivre loin des Nephilim. Mais moi, je ne rentre pas à la maison. Je vais aider les Nephilim à survivre parce que certains méritent que l’on se batte pour eux, mon regard s’était posé sur Lyra au moment où je disais cela. L’Homme a connu des hommes sombres dans l’histoire, des personnes qui ne reculaient devant rien mais l’Homme a aussi eu du bon, des gens qui n’ont pas eu peur d’aider les autres. Pourquoi en serait-il différent des Nephilim ? Ne nous offrent-ils pas de partir, indemnes et pour vivre une vie de luxe ? Harahel sait qu’il faut des humains pour que les Nephilim survivent, mais ils vous offrent à tous de partir parce qu’il ne veut pas vous contraindre. Il est comme chacun de nous, il doute et il a peur de demain, mais pourtant il nous a guidé vers la survie et finalement vers la liberté. La prendre me tente énormément, mais non je ne rentre pas chez moi, car je crois qu’il y a du bon en certains d’entre eux et que cela mérite que l’on se battre pour eux. Le choix est à vous pas à moi, et personne ne vous jugera de partir car vous avez mérité une vie libre.
Mon regard passa encore sur les gens présents et finalement je laissais tomber au sol le sac qui m’avait été donné. Je m’approchais de Lyra qui était à côté de la sortie de la tente, je lui offrais un regard sûr de ma décision et un sourire de sympathie. Mes lèvres se posèrent sur la joue de la Nephilim, comme une façon de prouver aux autres que je n’avais pas peur, mais en réalité c’était un baiser qui la remerciait de m’avoir amené à réviser mon jugement. Je le regretterais peut-être, mais peu importait, je quittais la tente, ayant scellé mon destin sous cette tente. Harahel avait-il su exactement ce qui s’était passé pour que certains choisissent de rester finalement ? Je n’en savais rien et je n’avais pas la moindre idée si cela avait quelque chose à voir avec mon discours, peut-être mais rien ne le prouvait et alors que l’avion atterrissait finalement à Las Vegas, je regardais la Nephilim se réveiller. Je m’étais assis à côté d’elle, et à peine avais-je cherché à discuter qu’elle avait été prise de sommeil. Avais-je fais ou dis quelque chose de mauvais ? Je n’en savais rien du tout, mais j’avais laissé ma place à un autre humain, et je jalousais qu’elle dorme la tête sur l’épaule de cet humain. Pas une puérile jalousie amoureuse, j’avais simplement le sentiment que je perdais de plus en plus le peu de contact que nous avions établi en Pachad. Elle semblait vouloir s’éloigner et mettre de la distance, était-ce ma faute ? Je m’en inquiéterais plus car pour le moment, nous atterrissions à Las Vegas...Bienvenue en enfer...Encore...