Bon et bien j’étais vraiment enchanté de la réponse de la Lilioth. Je savais donc désormais que j’étais présent ici, ainsi que toutes les autres personnes ici bas, simplement pour le plaisir vengeur et la distraction personnelle d’un dégénéré allergique au printemps. Chouette façon d’organiser un voyage, un peu conne certes, d’autant que personne n’avait rien préparé finalement, alors autant dire que ça ressemblait un peu à une marche forcée. Tout ici était inconnu, les lieux, les personnes, j’étais totalement perdu en plein décor de survival-horror avec autour de moi les mêmes bruits inquiétants que dans ce genre de série. De toutes façon, désormais que je me retrouvais au milieu de trois Nephilim, tenter un raid solitaire semblait une terriblement mauvaise idée, mieux valait sans aucun doute se contenter de suivre, quitte à ne pas faire que ça parce que si nous sommes tous ensemble dans l’antichambre de l’enfer, mieux vaudra collaborer pour survivre. Collaborer avec des Nephilim ? Honnêtement l’idée ne m’enchantait pas, Eileen avait été gentille et attentionnée, mais elle m’avais mis en garde contre d’autres, alors très honnêtement, je devais bien avouer que je ne savais pas quoi penser de tout cela. Lyra et l’autre femme étaient toutes deux très belles, mais la beauté n’avait assurément rien à voir avec la capacité à être dangereux pas vrai ? Eileen avait été enchanteresse et avait porté un piano à bout de bras. Méfiance. Mais de tous, c’était surtout le dernier arrivant qui me mettait mal à l’aise, non qu’il me faisait mauvaise impression, au contraire je trouvais sa volonté de retrouver celle qu’il aime très noble, mais...Il n’y avait aucune explication à cette réserve qui sans doute s’effacerait promptement.
Et puis il prenait la tête du groupe ce qui n’était pas pour me déplaire, non que je n’aurais pas eu confiance en une des deux femmes, mais lui apparemment connaissait les lieux. Un avantage non négligeable dans cette purée de pois. Mes réserves ne m’empêchèrent pas de sourire quand la Lilioth me fit comprendre qu’elle avait entendu ma citation, j’étais assurément un homme de peu de foi car je n’avais jamais vraiment été croyant, mais j’entendais bien sortir d’ici. Lyra et moi nous retrouvons à marcher juste devant le temps que Harahel et Iah Hel ne discutent, puis le cheminement s’organise logiquement. Harahel prend la tête du groupe, et nous le suivons, je suppose chacun de nous espérant vraiment qu’il savait ce qu’il faisait.
Le spectacle qu’offrait la marche était désolant, des corps jonchaient les sols, des Nephilim tentaient vainement de se soigner, visiblement incapable d’y parvenir encore. Notre petit groupe grandissait au fur et à mesure de ceux qui nous rejoignaient, je me risquais à de dangereux sourires sympathiques et des petites phrases de réconfort tant à des personnes que j’avais pu ranger dans mon esprit comme humain ou Nephilim qu’aux personnes pour lesquelles j’avais des hésitations. De toutes façons, humains ou Nephilim, nous étions dans la même galère pas vrai ? La rencontre la plus étrange, du moins à mon goût, fut celle d’une Nephilim à l’épée démesurée. Comprenez démesurée quand on regardait la femme qui la portait dans le dos. A vue d’oeil j’aurais juré que l’épée était plus lourde que la demoiselle, mais avec la force des Nephilim, qu’importe d’avoir un cure-dent ou un pistolet, l’efficacité sera la même. Tandis que notre meneur avait apparemment soigné la blessée avant de l’aider à se remettre sur pieds. Et finalement quelques pas plus tard, nous étions à ce qui semblait être un point de rassemblement improvisé. Les blessés se comptaient par dizaines et il y avait des humains comme il y avait des Nephilim, la même galère pour tout le monde.
Je me sentais un peu seul au milieu de ces personnes qui semblaient se connaître les unes et les autres. C’était un sentiment étrange d’être perdu, et les questions, notamment la cruelle question de que faire ? Il y avait tellement à faire, et établir un ordre des priorités semblait très compliqué. Sortiraient-ils un jour de cet enfer ? Allez savoir, mais il fallait bien que certains y croient non ? Si le Seirim des Insoumis voulait y croire alors quel risque y aurait-il à ce que j’y crois aussi ? Tolstoï dans Guerre et Paix reprend les idées de grands chefs militaires, et si pour ces chefs la taille d’une armée augmente sa propension à la victoire, et bien il existe une inconnue qui peut changer la tendance et donner l’avantage à l’armée la moins nombreuse. Si cette inconnue n’a jamais été clairement identifié, c’est qu’elle dépend de beaucoup de choses, mais qu’elle revient à considérer l’état d’esprit des troupes. Que ce soit un dogme qui les motivent, une religion qui les endoctrinent, un espoir ou encore une promesse. Je n’avais ni dogme, ni religion, mais l’espoir de revoir le soleil, et ma promesse envers Lyra...une Nephilim.
Alors je prenais sur moi et je passais de blessé en blessé, je ne pouvais pas faire grand chose, ma science médicale s’arrêtait aux blessures des plus simples, une épaule à remettre, un garrot à réaliser, un pansement à improviser. Des mots motivants et plein d’espoir, de l’envie et de l’assurance dans la voix, un sourire sur le visage, il n’en fallait pas toujours plus pour redonner un rien d’espoir. Mais devant l’étendue de ce qui semblait nous attendre, les sourires ne suffiraient pas. Mon regard se reporta dans un premier temps sur Lyra, un peu à l’écart visiblement perdu, apparemment mal, non physiquement, mais plutôt perdue dans ses pensées. J’allais marcher vers elle mais mon regard se posa sur la demoiselle que nous avions rencontrés, une lourde épée au travers de son dos, elle était assise, visiblement pas en grande forme. J’avais une promesse à honorer envers Lyra et je revenais finalement vers elle, posant ma main sur sa joue pour la tirer de ses pensées et la réconforter. Yeux dans les yeux :
- Je t’ai dis qu’on allait s’en sortir alors ne fais pas cette tête. Ne regardes pas le noir ici-bas, regardes plutôt le positif, on est en vie et celui qui nous sort d’ici l’est aussi alors reprends-toi un peu. T’es pas toute seule à avoir peur, on a tous peur, mais on s’en sortira, je te l’ai promis non ? Je vais revenir, essayes de mettre un sourire sur ton visage quand je reviendrais.
Un clin d’oeil pour la demoiselle et je me retournais vers cette inconnue que nous avions trouvé inconsciente. M’accroupissant pour être à sa hauteur, au diable mes côtes qui hurlaient à la mort et me faisaient vivre un calvaire :
- Est-ce que je peux t’aider ? Tu as besoin de quelque chose ?